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Prose 13/04/2018 - 9h37 par Andreas Verner

Sapiens homo Deus, 

l'avènement de l'homo Harari

Un grand auteur? Certes. Un grand homme ? Indéniable. Pourtant il est de mise de se poser une seconde pour réfléchir aux conséquences du succès fulgurant de ses deux derniers livres, “Sapiens, une brève histoire de l’humanité” et “Homo Deus, une brève histoire de l’avenir”. Pour en parler avec des idées claires, nous allons devoir nous expliquer le concept de prédiction réalisatrice et les maux qu’il peut transporter.

Le concept 

C’est bien beau de philosopher sur l’histoire de l’humanité, louable de s’interroger sur son futur, cependant un succès aussi fulgurant peut porter son lot de maux. Le danger réside dans le concept de prédiction réalisatrice, bien connu de nos chercheurs en sociologie.

La prédiction réalisatrice est un concept dont on doit attribuer la parenté à la sociologie de l’école de Chicago avec Robert King Merton, un sociologue américain. Il a été exploré principalement à travers l’étude des comportements des populations afro-américaines. Cette théorie veut, dans les grandes lignes, qu'une prédiction faite sur le futur a un effet sur ce même futur. Ce phénomène a été conceptualisé autour des suppositions qui ont été faites dans les années 60 sur les Afro-Américains, qui se sont par la suite réalisées quelques décennies plus tard. L’exemple pris est le délaissement des institutions scolaires dans les quartiers les plus populaires.  Certains pays comme les USA autorisent les statistiques ethniques et de fait sont plus habitués que nous à ce genre de phénomène.

Le raisonnement est le suivant:

Les courants les plus racistes de l’anthropologie ou d'anthropomorphisme ont statué sur l’infériorité des races non blanches, notamment sur leur incapacité d'être bons à l’école. Simple délire colonial nous sommes tous d’accord, aucune réalité tangible n’est rapportable à cette idée. Cependant cette prédiction a eu un effet très néfaste tout d’abord sur la psychologie sociale de la communauté mais aussi sur l’école dans certaines zones. Partant du principes que dans ces zones l’enseignement était plus difficile, de moins en moins de moyens ont été déployés dans ces écoles. Jusqu’au moment où la population, du fait des moyens amoindri de l’école, a fini par devenir réellement moins performante au niveau scolaire, c’est ce qu’on appelle la prédiction réalisatrice ou la prophétie autoréalisatrice.

La prophétie d’homo déus

Harari dans son livre, décrit un avenir purement dystopique à bien des égards. Non loin de l’alarmisme de personnage galvanisant comme Laurent Alexandre, son discours est tranchant. Réfléchi, certes plausible et possible mais qui pose le problème de venir se positionner en prédiction dystopienne. Ce qui, une fois le concept de prédiction réalisatrice intériorisé, peut partir d’un simple opinion pour se transformer en un courant de pensée global très vite. A partir de ce moment, le courant de pensée peut être assez important pour avoir une incidence majeure sur le réel. Bien heureusement cela ne se produit pas pour toutes les visions dystopiques sortant de tous les esprits. Le souci est que l’idée a été largement admise au niveau global du fait du succès de ce livre et de la légitimité récente que Harari a obtenu à travers son précédent livre “sapiens”. Cette légitimité, associée à un succès mondial, a créé un phénomène médiatique de “gourouisation” de Harari et de ses idées. Qui disons le nous, sont très floues par moment dans chacun de ces deux livres. Nombreux sont les lecteurs qui ont pris ces idées pour argent comptant, quand beaucoup d’entre elles relèvent simplement d’une interprétation de l’histoire ou décrivent des moments anecdotiques. Cela reste une excellente lecture, mais il est important de conserver en tête le caractère non-absolu de ces affirmations.

Le risque est que trop de gens considèrent de fait les prédictions de Harari comme probables et inévitables, ce qui aurait pour effet de renforcer l'avènement d’une “aristocratie de l’intelligence” comme décrite dans Homo Deus. Le constat d'Harari est le suivant, dans les décennies à venir, du fait de la possibilité avec le transhumanisme d’améliorer nos  capacités cognitives (ce qui reste tout de même plus intéressant qu’une simple augmentation des capacités physiques), une aristocratie de l’intelligence risque de se créer, car bien sur les classes moyennes et populaires ont très peu de chances de s’augmenter par la technologie.

La vraie question est de se demander si cette aristocratie usera de son pouvoir quasi démiurgique pour améliorer la vie du plus grand nombre ou d'améliorer leur propre vie au détriment des autres. Avec une idéologie dominante étant le capitalisme et l’individualisme et en regardant la psychologie actuelle de nos sociétés, il y a du souci à se faire.

L’arbre des possibles

Cela ne fait partie que d’un des futurs possible, certainement pas le meilleur mais pas le pire non plus. L’important est de ne pas accepter ce futur avant l’heure afin de ne pas rentrer dans le processus de prophétie autoréalisatrice que nous avons évoqué plus haut. Il est largement évitable et se base même sur l’existence de technologies qui sont théoriquement viables mais qui n’existent pas encore réellement, un verrou technologique nous sépare encore de ce futur dystopique.

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