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Inspi 13/04/2018 - 11h18 par Andreas Verner

Une histoire d’admiration,
la violence symbolique pour les nuls

La violence symbolique, comme on aime l’expliquer, est une violence qu’une partie de la population s’inflige à elle même tandis que l’autre l’inflige à la première, toutes deux inconsciemment. Ce modèle dominant / dominé a été théorisé par Pierre Bourdieu et son collègue Jean-Claude Passeron. C’est l’idée selon laquelle un certain nombre de normes et de comportements sont intériorisés par une société toute entière et se forment en système de justification de la domination.

Approche et historicité

D’origine, ce système nous vient tout droit de l’époque médiévale où, on a tendance à l’oublier, la France était encore une société de castes très délimitées entre le clergé, la noblesse et le tiers état,  les roturiers, qu’on qualifierait aujourd’hui de prolétariat.

Cet héritage séculaire est très difficile à faire disparaître. Nous avons beau être le pays des lumières, des libertés et de la fraternité, nous ne le sommes que depuis 200 ans. Il est préférable de penser que les formes de domination symbolique sont des aspects récalcitrants de cet héritage séculaire là où d’autres prônent que ces comportements sont inhérents à la nature humaine, simiesque, ou même mammale pour les formes les plus primaires de domination. Ce vivier d'approches différentes trouve malheureusement bien plus de questions que de réponses, l’approche interdisciplinaire est certe louable d’un point de vue intellectuel mais dans ce cas, la cacophonie ambiante empêche tout raisonnement logique. Ceux qui parlent le mieux de ce phénomène sont encore les sociologues et anthropologues.

D'après Bourdieu, la violence symbolique légitime, détenue par l’Etat et uniquement par l’Etat n’est en réalité pas bien différente d’une violence symbolique arbitraire. Elles le sont toutes les deux et n’ont pas plus de sens l’une que l’autre. Tout vient d’une simple appréciation subjective mise en place collectivement qui à un moment donné, a été légitimée par le système.

On est en droit de se dire que ce qui est légitimé par l’Etat est nécessairement bon, mais la notion du bon étant, de pair avec la morale, une des notions les plus variables dans le temps et l’espace, ce qui pose problème. On peut s’en apercevoir par exemple en regardant la morale d’Etat comme celle pratiquée en Corée du Nord, différente de la nôtre. Pourtant les processus sociétaux ayant mené à la constitution de la nation ne sont pas si différents des autres. Prenons un exemple parlant plus directement puisqu’il s’est produit il n’y a pas si longtemps et dans ce que l’on considère comme “Un pays développé”.

Crédit photo : Wikimedia Commons/Bureau of American Ethnology.

Une histoire de morale

Dans les années 50 au Canada, il n’y a donc pas si longtemps, la lobotomie était pratiquée sur les homosexuels, mais aussi sur des enfants sous prétexte de masturbation abusive (considérée abusive à partir du moment ou elle est quasi-quotidienne, nous ne parlons pas ici de vrai trouble mental s’exprimant à travers la masturbation compulsive). Cette attitude est inimaginable de nos jours. Cette logique découle directement du caractère “impie” de la masturbation et de l’homosexualité. Elle a été justifiée par l’Etat car la société Canadienne était encore profondément religieuse. Pourtant pas d’indignation de la part de la société, pas de refus brandissant l'étendard de la morale pour une raison très simple, la morale varie dans le temps et l’espace. La pensée prônant que l’ordre qui vient d’en haut, est donc forcément moral et réfléchi, surement par des gens plus compétents en la matière, serait l’une des façons de caractériser la violence symbolique. Sa forme d'intériorisation la plus profonde est d’accepter l’ordre car il vient d’en haut et sans poser de question.

Crédit photo : Wikimedia Creative Commons

A partir du moment ou l’on comprend que nos systèmes de valeurs n’ont en réalité absolument aucune légitimité propre les uns par rapport aux autres, le monde change de visage, tout perd son sens. C’est surement pour cette raison que la majorité de la population évite soigneusement de se poser ces questions.

Le soft power et la violence symbolique

Le concept de violence symbolique a été théorisé pour être appliqué dans la sphère sociale, cependant nous aimerions réussir à l’appliquer à l'échelle planétaire. Pour cela, il nous faut délimiter l’idéologie dominante de notre époque. Coup de chance, elle est plutôt claire : le capitalisme marchand domine et la production est le maître mot. Pour expliciter ce concept partons du principe que notre planète est un seul pays et que chaque pays est une classe sociale. Les Etats Unis et l’Occident en général représentent l’idéologie dominante qu’ils pensent sérieusement relever de l’universellement bon, leurs valeurs sont les bonnes ils en sont convaincus. C’est pourquoi ces pays s'évertuent à exporter le modèle démocratique et le capitalisme au reste de la planète.

Nous avons donc l’idéologie dominante et la classe dominante, parlons maintenant des dominés, ceux qui subissent directement cette violence symbolique. Dans notre modèle planétaire, les exemples sont multiples, nous allons choisir pour la clarté de l’exemple la Chine, peu avant qu’elle deviennent la superpuissance mondiale qu’elle est aujourd’hui. C’est l’exemple parfait d’une nation qui a tout donné pour adopter le modèle idéologique dominant a un prix considérable, une grande violence infligée à elle-même. Certes aujourd’hui la Chine est une des superpuissances mondiale, mais avec des villes où les pics de pollution empêchent les gens de sortir de chez eux (rappelons par exemple qu’en 2015 l’école française de Shanghai a fermé a peu près 3 semaines au long de l’année en mettant à la suite les jours annulés car les pics de pollution étaient trop importants pour faire sortir les élèves de chez eux).

Elle a également pillé ses ressources naturelles à outrance, entraînant une catastrophe écologique majeure avec la destruction de plus de la moitié de certains écosystèmes locaux dans certaines provinces.

Un handicap que l’on s’inflige tout seul

La Chine risque de payer pendant des décennies voire des siècles ce qu’elle s’est imposée. Et pourquoi ? Simplement pour s'approprier la façon de vivre d’une certaine idéologie, qui n’a rien de supérieur à une autre. Un peu à la façon d’un ouvrier qui rêve de s’acheter une belle voiture et se saigne à vif avec un emprunt à la banque pour la payer, tout ça pour quoi ? Pour aller avec l’avis arbitraire d’autres personnes qui pensent que la possession d’une telle voiture est une forme d’ascension sociale. C’est le paroxysme de la violence symbolique, le point incompréhensible ou les prolétaires se cassent les jambes, tant ils ont intériorisé les principes de domination dictant que la classe dominante et détentrice de “la vérité sociale”. Ce concept prône qu’une approche vaut mieux qu’une autre, ce qui est bien sur, empiriquement faux.

La situation se traduit assez souvent de la façon suivante:  Ne savant pas vers qui se tourner pour rendre cette violence, on a tendance à rejeter la faute sur l’étranger le plus proche.

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